La place du corps dans la nature humaine

« Ne la savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit-Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été rachetés à grand prix »
1 Co, VI, 19-20

a) le corps est créé par Dieu…

La chair est bonne et précieuse parce que Dieu l’a créée et lui donne l’être à chaque instant, mais plus encore parce qu’Il s’est uni lui-même à elle par l’Incarnation : « La chair est le pivot du salut » (Tertullien) : nous croyons en Dieu qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair »[1].

b) …pour être uni à une âme spirituelle

« L’unité de l’être humain [vient du fait que] l’âme rationnelle est per se et essentialiter la forme du corps. L’âme spirituelle et immortelle est le principe d’unité de l’être humain, elle est ce pour quoi il existe comme un tout — corpore et anima unus — en tant que personne. Ces définitions ne montrent pas seulement que même le corps, auquel est promise la résurrection, aura part à la gloire ; elles rappellent également le lien de la raison et de la volonté libre avec toutes les facultés corporelles et sensibles. La personne, comprenant son corps, est entièrement confiée à elle-même, et c’est dans l’unité de l’âme et du corps qu’elle est le sujet de ses actes moraux.[2] »

c) le corps appartient à la personne mais n’en est pas le tout

« On peut alors comprendre le vrai sens de la loi naturelle : la personne elle-même dans l’unité de l’âme et du corps, dans l’unité de ses inclinations d’ordre spirituel ou biologique et de tous les autres caractères spécifiques nécessaires à la poursuite de sa fin. Aussi ne peut-elle pas être conçue comme normativité simplement biologique, mais elle doit être définie comme l’ordre rationnel selon lequel l’homme est appelé par le Créateur à diriger et à régler sa vie et ses actes, et, en particulier, à user et à disposer de son propre corps. Par exemple, l’origine et le fondement du devoir de respecter absolument la vie humaine doivent être cherchés dans la dignité propre à la personne et non pas seulement dans l’inclination naturelle à conserver sa vie physique.

En réalité, ce n’est qu’en référence à la personne humaine dans sa « totalité unifiée », c’est-à-dire « une âme qui s’exprime dans un corps et un corps animé par un esprit immortel », que l’on peut déchiffrer le sens spécifiquement humain du corps. En effet, les inclinations naturelles ne prennent une qualité morale qu’en tant qu’elles se rapportent à la personne humaine et à sa réalisation authentique qui, d’autre part, ne peut jamais exister que dans la nature humaine.

L’Eglise sert l’homme en refusant les manipulations affectant la corporéité, qui en altèrent la signification humaine, et elle lui montre la voie de l’amour véritable, sur laquelle seule il peut trouver le vrai Dieu. [3] »

d) la sexualité dans la vie humaine : « qui fait l’ange, fait la bête »

« L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de la sexualité est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veuille refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive, il perd également sa grandeur. L’épicurien Gassendi s’adressait en plaisantant à Descartes par le salut : « O âme ! ». Et Descartes répliquait en disant : « O chair ! ». Mais ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l’âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour – l’eros – peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur.[4] »

Toute réduction de la personne à un seul de ses aspects, son corps, son sexe, telle ou telle qualité, constitue une atteinte à l’amour. Compte-tenu de l’unité indéfectible de la personne, toute relation avec son corps signifie son implication totale, qu’on le veuille ou non, qu’on y pense ou non. Ainsi les rapports exclusifs au corps de l’autre nient sa dignité de personne[5].

 

[1] CEC 1015.

[2] Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n°46.

[3] Id.

[4] Benoît XVI, encyclique Deus caritas est, n°5.

[5] Cf. Michel Mahé, Qu’est-ce que l’homme… essai d’anthropologie intégrale, Téqui, 2009. On lira avec grand profit, les pages 215 à 220, où l’auteur explique notamment le lien entre la conception platonicienne des rapports entre le corps et l’âme et la disjonction entre ceux-ci dans l’amour.