« Il est dangereux de trop faire voir à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre. Mais il est très avantageux de lui représenter l’un et l’autre. Il ne faut pas que l’homme croie qu’il est égal aux bêtes, ni aux anges, ni qu’il ignore l’un et l’autre, mais qu’il sache l’un et l’autre. L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête.»
Blaise Pascal, Pensées, fragment 572.
1) L’immoralité de la pornographie
a) elle déforme la vérité sur la sexualité humaine
« La pornographie dénature l’acte conjugal, don intime des époux l’un à l’autre[1] ». Au lieu d’être l’expression de l’union intime de vie et d’amour d’un couple marié, le sexe y est réduit à un objet de divertissement avilissant, et même à une source de profit pour d’autres.
b) elle induit l’impureté dans le spectateur
Elle s’oppose frontalement au neuvième commandement, et conduit par ailleurs souvent à des actes contraires à la chasteté (donc contre le sixième commandement) soit seul soit avec d’autres personnes.
c) elle porte atteinte à la justice
« La pornographie porte gravement atteinte à la dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants, public) puisque chacun devient pour l’autre l’objet d’un plaisir rudimentaire et d’un profit illicite[2] ». Ceux qui s’y livrent sont utilisés et manipulés d’une manière contraire à leur dignité humaine. Toutes les personnes impliquées dans la production, la distribution, la vente et la consommation de produits pornographiques coopèrent et, dans une certaine mesure, rendent possible l’avilissement d’autres personnes.
d) elle représente un grave abus des moyens de communication
A cet égard, elle est une violation du huitième commandement. Nous devons garder à l’esprit que le droit d’utiliser des moyens de communication (c’est-à-dire la liberté d’expression –cf. cours précédent sur la négation de la liberté) n’est pas un droit absolu. Il doit être toujours exercé en vue du bien commun. Les autorités civiles ont le devoir de s’assurer que l’utilisation des moyens de communication soit en accord avec la loi morale.
e) elle corrompt le bien de la famille
La pornographie abîme en tout premier lieu la famille, cellule de base de la société et de l’Eglise, car elle rompt le lien matrimonial. Du fait qu’elle « plonge les uns et les autres dans l’illusion d’un monde factice[3] » la pornographie va détourner l’attention et l’affection vis-à-vis de l’épouse ou de l’époux. Elle suscite dans l’esprit des attentes irréalistes et souvent immorales quant à la vie intime des conjoints. Elle fait aborder l’autre uniquement comme un moyen de gratification personnelle et non plus comme l’aide qui lui correspond (ceci est donc valable pour les personnes déjà mariées ou non).
f) elle génère une vision consumériste et licencieuse de la sexualité
Son intrusion dans les foyers et dans les cœurs nuit au bien commun en montrant une vision sans limites de la sexualité, ainsi qu’une vision consumériste de la femme. Il devient de plus en plus difficile de transmettre et de garder la précieuse vertu de chasteté alors que la pornographie infecte la majorité des medias. L’intérêt qu’a la société à préparer les jeunes gens et les jeunes filles au mariage est également mis à mal lorsque l’acte d’union intime, propre aux liens du mariage, est représenté d’une manière mercantile et relativiste.
g) elle détruit la capacité humaine au surnaturel
Notre vision naturelle en ce monde modèle notre vision surnaturelle dans l’autre. Une fois que nous avons abîmé ou déformé cette capacité, comment allons-nous percevoir la réalité ? Notre-Seigneur nous a fait le don de la vue dans la perspective ultime de la vision. Si nous usons de cette faculté d’une manière pécheresse, nous déformons notre compréhension de ce que nous voyons et, pire encore, nous mutilons notre capacité à lui donner son accomplissement au Ciel. Ce qui devrait servir à recevoir la vision véritable de Dieu et de la beauté de la création, est au contraire utilisé pour consommer de fausses images d’autres personnes à travers la pornographie. Comment pourrons-nous comprendre la vision surnaturelle que Dieu désire pour nous, c’est-à-dire la contemplation divine dans la vision béatifique, si notre sens de la vue a été abîmé et déformé ?
2) Les effets de la pornographie
a) effets médicaux (cf. Livre de témoignages)
« La pornographie agit sur le cerveau comme une drogue – c’est une drogue. Regarder des films X déclenche une poussée d’adrénaline qui est ressentie dans le ventre et dans les organes génitaux, ainsi qu’une sécrétion de testostérone, d’ocytocine, de dopamine et de sérotonine. C’est un véritable cocktail de drogues. La pornographie est un excitant extrêmement puissant, qui provoque flash et euphorie. Ce n’est pas un excitant sexuel, mais un excitant mêlant peur, sexe, honte et colère.[4] »
b) effets psychologiques
– la déstructuration intérieure :
« L’eros rabaissé simplement au «sexe» devient une marchandise, une simple «chose» que l’on peut acheter et vendre; plus encore, l’homme devient une marchandise. En réalité, cela n’est pas vraiment le grand oui de l’homme à son corps. Au contraire, l’homme considère maintenant le corps et la sexualité comme la part seulement matérielle de lui-même, qu’il utilise et exploite de manière calculée. Une part, d’ailleurs, qu’il ne considère pas comme un espace de sa liberté, mais comme quelque chose que lui, à sa manière, tente de rendre à la fois plaisant et inoffensif. En réalité, nous nous trouvons devant une dégradation du corps humain, qui n’est plus intégré dans le tout de la liberté de notre existence, qui n’est plus l’expression vivante de la totalité de notre être, mais qui se trouve comme cantonné au domaine purement biologique. L’apparente exaltation du corps peut bien vite se transformer en haine envers la corporéité. À l’inverse, la foi chrétienne a toujours considéré l’homme comme un être un et duel, dans lequel esprit et matière s’interpénètrent l’un l’autre et font ainsi tous deux l’expérience d’une nouvelle noblesse. Oui, l’eros veut nous élever « en extase » vers le Divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons.[5] »
– la violence :
On commence souvent, quand on veut justifier la pornographie, en la considérant comme un échange privé entre les spectateurs et ceux qui produisent et distribuent le contenu. L’illusion inhérente à cette rationalisation consiste à croire que toutes les personnes impliquées sortent indemnes de cet échange.
La première illusion consiste à dire que cela ne fait aucun mal. Ceci n’est souvent pas vrai, même sur le plan physique. L’industrie de la pornographie recrute en priorité des personnes vulnérables ou dans le besoin ; ce faisant, elle les conduit souvent à adopter des comportements plus osés et dangereux jusqu’à ce qu’un mal physique soit inévitable. Ceux qui cherchent et consomment de la pornographie participent activement à faire des victimes.
L’industrie pornographique happe, chaque année, des milliers d’hommes et de femmes, séduits par la promesse d’un argent facile, notamment des pauvres, des méprisés, et des enfants. Cette exploitation des faibles est une violence grave. Lorsque les plus vulnérables d’une société deviennent la proie d’une industrie prête à détruire l’innocence pour de l’argent, nous sommes devant une violence indicible.
– la perversion de l’amour et du sens moral :
L’enfermement du cœur et l’impossibilité d’aimer en vérité : « l’homme qui entretient un harem d’épouses imaginaire s’empêche d’arriver à l’union amoureuse avec une vraie femme. En effet, le harem est toujours accessible, toujours soumis à nos moindres désirs, il n’appelle ni sacrifice ni ajustements, et on peut lui prêter des attraits érotiques et psychologiques avec lesquels aucune femme ne peut rivaliser. Parmi ces femmes imaginaires, l’homme est toujours adoré, toujours perçu comme l’amant parfait ; sa générosité n’est jamais sollicitée, sa vanité jamais mortifiée. Elles deviennent finalement le moyen par lequel il s’adore lui-même, et de plus en plus.[6] »
L’être humain, seule créature dotée d’un sens moral, construit ou détruit progressivement son être par chaque choix moral qu’il pose. Lorsque l’on fait le choix, même avec des réticences au début, de regarder de la pornographie, on devient susceptible d’utiliser les autres comme de simples objets de plaisir, sans tenir compte de leur dignité intrinsèque d’homme et de femme créés.
– l’enfermement égoïste et la solitude :
C’est dans cette transformation de la personne, qui se fait parfois progressivement, dans d’autres cas brutalement, que le péché exerce le plus son influence sur les individus et la culture. Les jeunes deviennent plus prompts à manipuler et à abandonner leurs amis pour satisfaire leurs besoins ponctuels et souvent égoïstes. Les époux commencent à évaluer leur conjoint en fonction de ce qu’ils reçoivent de leur relation plutôt que du don d’eux-mêmes dans la fidélité matrimoniale. Les jeunes adultes envisagent le mariage comme un simple contrat qui ne les engage pas et peut être abrogé si les bénéfices de l’état matrimonial ne suffisent plus à couvrir leurs attentes et leurs désirs de plus en plus irréalistes, voire pervers.
La pornographie offre une illusion d’intimité. En déviant cette caractéristique propre à la sexualité humaine qu’est la promesse de mettre fin à la solitude, la pornographie conduit son consommateur, non pas à l’intimité, mais à une solitude encore plus grande. Dans le plan divin, la sexualité humaine a pour but d’étancher la soif de communion avec l’autre et d’amener la personne à vivre un lien d’amour qui donne la vie et la fait croître. Cette expérience humaine d’intimité avec l’autre est la préfiguration de la destinée éternelle de communion de l’homme avec son créateur.
La fausse promesse d’intimité qu’offre la pornographie conduit au contraire à une aliénation toujours plus profonde qui rend le consommateur incapable de faire l’expérience d’une véritable relation intime. Alors même qu’il a soif d’intimité, le consommateur de pornographie se tourne plus sûrement que jamais vers lui-même, et se trouve de ce fait toujours plus isolé et seul.
– l’esclavage des passions :
Certains considèrent l’usage de la pornographie comme une « soupape de sécurité », de telle sorte qu’un usage modéré est thérapeutique. Cet usage est justifié par le fait que la satisfaction des désirs compulsifs permet un soulagement et ne fait aucun mal à personne car cela implique seulement l’individu.
Cela exprime une profonde incompréhension des vrais dégâts causés par le péché. Tout en procurant une apparence de soulagement face à certaines tentations, l’usage de la pornographie ne fait en réalité qu’alimenter encore davantage les impulsions obsessionnelles. La pornographie nourrit les tentations plutôt que cela ne les vainc. Le fossé se creuse alors, entre le moi privé et le moi public, jusqu’à ce que le fantasme ne puisse plus être séparé de la réalité. Celui qui s’est tourné vers la pornographie pour échapper à une tentation finit par incarner cette tentation. Il n’existe donc pas d’usage « modéré » de la pornographie, de même qu’on ne peut parler d’usage « modéré » de la haine ou du racisme. Envisager une telle possibilité revient à accepter de céder au mal pas après pas.
La maîtrise de soi est un élément essentiel pour dominer ses émotions et ses passions. Sans cette maîtrise de soi qui procède du contrôle, et le cas échéant, de la lutte contre ses propres comportements destructeurs (comme la pornographie), l’homme, et a fortiori le jeune en cours de maturation, se retrouve dans la situation effrayante de ne pouvoir contrôler ni son environnement, ni lui-même. Un homme qui a abandonné tout espoir de maîtrise de soi est également incapable de se maîtriser vis-à-vis des autres.
[1] CEC 2354.
[2] Id.
[3] Id.
[4] Judith Reisman, The Psychopharmacology of Pictorial Pornography.
[5] Benoît XVI, encyclique Deus caritas est, n°5.
[6] C. S. Lewis, Lettre personnelle à Keith Mason, 6 mars 1956.